Le recours au télétravail s'est largement développé depuis la crise sanitaire. Si le télétravailleur bénéficie de la législation relative aux accidents du travail, en pratique, la question du caractère professionnel ou domestique de l'accident peut poser difficulté.

Un accident survenu en télétravail peut-il être reconnu comme

accident du travail ?

Le télétravail est défini comme toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Le télétravail est mis en place par un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur après avis du comité social et économique, s'il existe [C. trav, art. L. 1222-9].

Le Code du travail institue une présomption d'accident du travail en télétravail. Est présumé être un accident du travail au sens de la législation de la sécurité sociale l'accident [C. trav., art. L. 1222-9, III] :

– survenu sur le lieu où est exercé le télétravail ;

– et pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur.

Le Code de la sécurité sociale définit l'accident du travail comme l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise [CSS, art. L. 411-1].

Il résulte de ces textes que le salarié en télétravail bénéficie de la même protection en matière d'accident du travail que les autres salariés de l'entreprise travaillant sur site.

Comment établir le caractère professionnel de l'accident ?

L'accident survenu sur le lieu de télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail. Cette présomption d'imputabilité concerne donc l'accident qui intervient au domicile du salarié, lieu du télétravail, ou au sein des locaux dans lesquels se déroule le télétravail s'il ne s'agit pas du domicile du salarié. Il faut également que l'accident se déroule pendant l'exercice de l'activité professionnelle.

ATTENTION

Cette organisation du travail pose le problème de la preuve, la caisse primaire d'assurance maladie devant disposer d'éléments suffisants pour constater le caractère professionnel de l'accident. En cas de contestation, le télétravailleur devra apporter la preuve que l'accident est bien lié au travail, alors qu'il est dans la majorité des cas le seul témoin lorsqu'il travaille de chez lui, ce qui suppose de réunir des éléments objectifs.

Critère de lieu. Aucune règle n'impose à l'employeur ou au salarié qui télétravaille de définir un lieu où s'exerce l'activité. Pour autant, relativement à la question de l'accident du travail, la fixation d'un cadre précis (le cas échéant en désignant plusieurs lieux de travail) est vivement conseillée afin que la question du lieu où s'est produit l'accident ne soit pas l'objet de contestations.

 

A NOTER

À défaut de mention précise sur ce point dans la charte, l'accord collectif ou la convention individuelle, le salarié aura simplement à démontrer qu'il exerçait dans un lieu compatible avec l'usage des technologies de l'information et de la communication.

Critère d'exercice de l'activité professionnelle. Le second critère fixé par la loi est que l'accident survienne pendant le temps où s'exerce l'activité professionnelle du télétravailleur. Ce temps peut donc différer des horaires de travail proprement dits, en particulier pour les salariés disposant d'une grande autonomie dans leur activité professionnelle, comme ceux soumis au régime du forfait en jours.

A NOTER

Pour rappel, les tribunaux ont interprété les règles en matière de sécurité sociale définissant les accidents du travail, en considérant que le salarié est au temps et au lieu de son travail tant qu'il est soumis à l'autorité et à la surveillance de son employeur [Cass. soc. 6 juill. 2017, nº 16-20.119].

En cas de difficultés relatives à la preuve, un premier indice pourra donc être trouvé dans l'accord collectif ou la charte mettant en place le télétravail, par exemple au travers des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut contacter le salarié, mais aussi via les horaires de travail habituels, ou encore par déduction à partir des éventuelles plages de droit à la déconnexion.

A NOTER

Le Code du travail promeut une égalité de traitement entre salariés sur site et télétravailleurs, qui plaide pour une réception assez large des accidents survenus durant le télétravail. Sans certitude sur ce que les tribunaux retiendront lorsque des situations concrètes leur seront présentées, il est possible d'imaginer que certaines situations peuvent entrer dans une vision assez large de l'activité professionnelle (chute sur un câble d'ordinateur en se déplaçant autour de son poste de travail) là où d'autres doivent être manifestement écartées (activité de bricolage sans rapport avec le travail).

Quelles démarches doit effectuer le salarié ?

Le salarié en télétravail victime d'un accident du travail doit envoyer une déclaration à l'employeur ou à son préposé dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les 24 heures. Cette déclaration est envoyée par tout moyen conférant date certaine à sa réception [CSS, art. R. 441-2].

Si le télétravail a lieu au domicile du salarié, le lieu de l'accident étant le domicile de la victime, celle-ci peut déclarer l'accident du travail à son employeur par message électronique par exemple.

Si le télétravail a lieu en télécentre (espace dit « de coworking » par exemple), la victime peut effectuer sa déclaration soit au représentant de l'employeur sur place, soit à son employeur par tout moyen en l'absence de personnel d'encadrement.

Quelles démarches incombent à l'employeur ?

L'employeur ou l'un de ses proposés est tenu de déclarer tout accident dont il a eu connaissance auprès de la CPAM dans les 48 heures, non compris les dimanches et jours fériés, par tout moyen conférant date certaine à sa réception. À défaut, la déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu'à l'expiration de la deuxième année qui suit l'accident [CSS, art. L. 441-2 et R. 441-3].

Comment l'employeur peut-il contester le caractère professionnel de l'accident ?

L'employeur peut envoyer des réserves motivées à la caisse de sécurité sociale, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, dans le délai de dix jours à compter de la date de la déclaration d'accident qu'il a effectuée ou de la réception du double de la déclaration d'accident effectuée par la victime et envoyée à l'employeur par la CPAM [CSS, art. R. 441-6].

Ces réserves motivées font état des doutes de l'employeur sur le caractère professionnel de l'accident, et portent en particulier sur les circonstances de temps et de lieu de travail.

Après réception de la déclaration d'accident et du certificat médical initial établi par un médecin, la CPAM dispose de 30 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident, ou engager des investigations si elle l'estime nécessaire ou lorsqu'elle a reçu des réserves motivées de l'employeur [CSS, art. R. 441-7].

En d'autres termes, si l'employeur a émis des réserves motivées, l'ouverture d'une instruction par la CPAM est obligatoire. La décision de prise en charge d'un accident par la caisse sans une telle instruction est inopposable à l'employeur. Toutefois si la caisse n'a pas eu connaissance de ces réserves antérieurement à sa décision de prise en charge d'un accident, sa décision est opposable à l'employeur [Cass. 2e civ., 18 sept. 2014, nº 13-23.205].

Quand la caisse ouvre une instruction, elle adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident à l'employeur ainsi qu'à la victime ou ses représentants, dans ce même délai de 30 jours francs par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Les parties ont 20 jours francs à compter de sa réception pour retourner le questionnaire. La caisse peut également procéder à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans questionnaire préalable.

La CPAM dispose en cas d'instruction de 90 jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident [CSS, art. R. 441-8].

Social pratique, Nº 825, 25 janvier 2023